La reine de abeilles
ou
La princesse de pierre


Il y avait une fois deux fils de roi qui s'en allèrent chercher les aventures et se jetèrent dans les dérèglements et la dissipation, si bien qu'ils ne revinrent pas à la maison paternelle. Leur frère cadet, qu'on appelait le petit nigaud, se mit à leur recherche; mais, quand il les eut retrouvés, ils se moquèrent de lui, qui, dans sa simplicité, prétendait se diriger dans un monde où ils s'étaient perdus tous deux, eux qui avaient bien plus d'esprit que lui.

S'étant mis ensemble en chemin, ils rencontrèrent une fourmilière. Les deux aînés voulaient la bouleverser pour s'amuser de l'anxiété des petites fourmis, et les voir courir de tous côtés en emportant leurs œufs; mais le petit nigaud leur dit : « Laissez en paix ces animaux, je ne souffrirai pas qu'on les trouble. »

Plus loin ils trouvèrent un lac sur lequel nageaient je ne sais combien de canards. Les deux aînés en voulaient prendre un couple pour les faire rôtir; mais le jeune s'y opposa en disant ; « Laissez en paix ces animaux ; je ne souffrirai pas qu'on les tue. »

Plus loin encore ils aperçurent dans un arbre un nid d'abeilles, si plein de miel qu'il en coulait tout le long du tronc. Les deux aînés voulaient faire du feu sous l'arbre pour enfumer les abeilles et s'emparer du miel. Mais le petit nigaud les retint et leur dit : « laissez ces animaux en paix; je ne souffrirai pas que vous les brûliez. »

Enfin les trois frères arrivèrent dans un château dont les écuries étaient pleines de chevaux changés en pierre; on n'y voyait personne. Ils traversèrent toutes les salles et parvinrent à la fin devant une porte fermée par trois serrures. Au milieu de la porte il y avait un petit guichet par lequel on apercevait un appartement. Ils y virent un petit homme à cheveux gris, assis devant une table. Ils l'appelèrent une fois, deux fois, sans qu'il parût entendre; à la troisième, il se leva, ouvrit la porte et sortit au-devant d'eux ; puis sans prononcer une parole, il les conduisit à une table richement servie, et, quand ils eurent bu et mangé, il les mena chacun dans une chambre à coucher séparée.

Le lendemain matin, le petit vieillard vint à l'aîné des frères, et lui faisant signe de le suivre, il le conduisit devant une table de pierre, sur laquelle étaient écrites trois épreuves dont il fallait venir à bout pour désenchanter le château. La première était de chercher dans la mousse, au milieu des bois, les mille perles de la princesse, qu'on y avait semées ; et, si le chercheur ne les avait pas trouvées toutes avant le coucher du soleil, sans qu'il en manquât une seule, il serait changé en pierre. L'aîné passa tout le jour à chercher les perles ; mais, quand arriva le soir, il n'en avait pas trouvé plus de cent, et il fut changé en pierre, comme il était écrit sur la table. Le lendemain, le second frère entreprit l'aventure; mais il ne réussit pas mieux que son aîné : il ne trouva que deux cents perles, et il fut changé en pierre.

Enfin vint le tour du petit nigaud. Il chercha les perles dans la mousse. Mais comme c'était bien difficile et bien long, il s'assit sur une pierre et se mit à pleurer. Il en était là, quand le roi des fourmis auquel il avait sauvé la vie, arriva avec cinq mille de ses sujets, et il ne fallut qu'un instant à ces petits animaux pour trouver toutes les perles et les réunir en un seul tas.

La seconde épreuve consistait à repêcher la clef de la chambre à coucher de la princesse, qui était au fond du lac. Quand le jeune homme approcha, les canards qu'il avait sauvés vinrent à sa rencontre, plongèrent au fond de l'eau et en rapportèrent la clef.

Mais la troisième épreuve était la plus difficile : il fallait reconnaître la plus jeune et la plus aimable d'entre les trois princesses endormies. Elles se ressemblaient parfaitement, et la seule chose qui les distinguât était qu'avant de s'endormir, l'aînée avait mangé un morceau de sucre, tandis que la seconde avait bu une gorgée de sirop, et que la troisième avait pris une cuillerée de miel. Mais la reine des abeilles que le jeune homme avait sauvées du feu vint à son secours: elle alla flairer la bouche des trois princesses, et resta posée sur les lèvres de celle qui avait mangé du miel : le prince la reconnut ainsi. Alors, l'enchantement étant détruit, le château fut tiré de son sommeil magique, et tous ceux qui étaient changés en pierres reprirent la forme humaine. Le prétendu nigaud épousa la plus jeune et la plus aimable des princesses, et il fut roi après la mort de son père. Quant à ses deux frères, ils épousèrent les deux autres sœurs.

*
Frères Grimm

Dimanche 24 mai 2009 à 15:36

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Il y a fort fort longtemps, dans un royaume fort fort lointain, Elyonis, et inconnu des hommes tels que nous sommes, vivait une jeune princesse âgée de dix ans. Sa peau halée se mêlait avec sa longue chevelure caramel et contrastait avec ses grands yeux verts qui débordaient d’insouciance et de joie de vivre. Elle se prénommait Eloïne et elle représentait un avenir radieux pour ce royaume. Têtue et malicieuse elle passait ses journées à gambader dans les bois, sous la surveillance toutefois d’un adulte, ou d’un membre de la famille plus âgé et plus responsable. Elle se débrouillait avec audace pour les semer et retrouver ainsi une totale liberté. Sauf avec l’un deux, un seul. Il s’agissait de son cousin, Cyprian, âgé de dix-huit ans bien que sa musculature lui rajoutait au moins trois ou quatre ans. Il éclatait d’une beauté renversante et d’un charme inégalable avec ses boucles brunes et ses iris émeraude. Son cœur généreux et loyal attirait une grande partie des demoiselles du village mais il les repoussait gentiment, ne désirant s’unir avec aucune d’entre elle. Eloïne, malgré la grande différence d’âge et son lien de parenté, en était éperdument amoureuse. Lui seul savait la divertir et la convaincre comme personne, et il ne bronchait jamais à l’idée de passer du temps en sa compagnie, participant à ses jeux et la défiant à quelques courses de chevaux.
Ce jour-ci il l’accompagnait à l’une de ses grandes excursions. Le soleil dardait ses plus beaux rayons sur la forêt, traversant les branches entremêlées pour venir frôler avec douceur le visage de la princesse et de son cousin. Lui marchait tranquillement, effleurant du bout des doigts l’écorce râpeuse des grands arbres. Il regardait avec tendresse l’enfant qui sautillait à ses côtés entamant une mélodie enjouée. Celle-ci lui prit la main, lui souriant de ses petites dents blanches. Cyprian lui rendit un même sourire éclatant et chahuta avec elle un instant avant de lui déclarer de sa voix de velours :
 
« -Tu sais Eloïne, l’autre jour j’ai entendu un troubadour réciter un poème qui te convient à merveille ! Je lui ai demandé que ce poème te soit exclusif, il accepté et l’a intituléLa Lumière d’Elyonis.
 
Il la décoiffa d’un geste amical devant la perplexité d’Eloïne.
 
-Pourquoi ? Questionna-t-elle
-Il suffit de l’entendre pour comprendre que toi seule peut l’incarner !
-Quel est-il ?
-Je ne saurais le conter aussi bien que lui mais je vais m’appliquer pour ton bon plaisir ô mini-altesse ! hum hum…
 
Lorsque, pour la première fois, tu nous dévoilas la rangée de tes petites dents
Offrant ainsi un sourire éclatant,
Le royaume entier de mille feux fut paré
Semblable à l’éclat de tes yeux chocolatés.
Et à chaque fois que tu étires tes lèvres rosées
On fête la naissance d’une nouvelle fée.
C’est ainsi qu’à jamais tu demeureras la lumière de mon cœur chantant
Et incarneras l’espoir d’un monde magique et vivant…
 
 
Eloïne regarda en silence son cousin. Jamais elle n’avait entendu de chant aussi beau. Une chaleur apaisante remplie son cœur et une envie de sauter au cou de Cyprian la prit soudainement. Mais sous l’émotion elle ne put faire qu’un sourire timide et demander à demi-voix :
 
-C’est vrai ?
-Bien sûr ! s’exclama le jeune homme. Ton sourire nous illumine tous !
 
La princesse rougit puis, prit la main de son partenaire et le fixa de ses yeux pétillants :
 
-Alors je sourirais toute ma vie, pour que chaque personne ait en elle une lumière aussi vive que celle que tu m’apportes et pour que les fées à jamais restent parmi nous !
 
Cyprian rit et posa un de ses douces lèvres un baiser chaste sur le front de l’enfant. Il chuchota :
 
 -Toute ta vie ?
-Toute ma vie !
-Quoi qu’il advienne ?
-Je te le promets !
 
           
 
           
 
 
Un frappement tira la jeune princesse de ses rêves. Elle entrouvrit un œil, et vit une pluie diluvienne tomber à travers la fenêtre. Grognant elle se glissa sous sa couette. On cogna de nouveau à la porte :
 
-Princesse ! Princesse votre père vous fait demander !
 
La jeune fille grogna de re-chef, mais se leva tout de même. Il était rare qu’on la quémande à une heure si matinale. Il devait se passer quelque chose d’important.
 
-J’arrive ! cria-t-elle.
 
Prenant une douche rapide et s’habillant de l’une de ses robes préférées, en cas de visite, elle se contempla dans le miroir. Les années s’étaient déroulées dans une douce quiétude à Elyonis, et l’héritière du trône avait gagné en âge et en beauté. A présent âgée de quatorze ans, des formes apparaissaient, sa taille s’élançait de mois en mois, la transformant en une belle femme. Eloïne tressa sa longue chevelure et posa sur le dessus de son crâne sa couronne d’argent. Peut-être était-ce une visite d’un proche ou bien Cyprian qui revenait de sa partie de chasse et qui voulait l’emmener en ballade. Non. Ni l’un ni l’autre ne l’aurait réveillé pour cela. Elle arriva enfin dans la grande salle. Son père siégeait sur le trône, le regard éteint et les yeux embués de larmes. La jeune fille se figea, un sentiment de peur s’installa en elle.
 
-Père…
-Ah ma chère Eloïne…approche ! Gémit le roi.
 
Venant se poster devant lui elle le fixa avec crainte, jamais elle ne l’avait vu pleurer !
 
-Père que se passe-t-il ? Qu’avez-vous ?
-Je…il s’agit de Cyprian ma douce enfant.
 
Tous les membres de l’héritière se raidirent. La voix de son père tremblait :
 
-Au cours de sa partie de chasse…il…le gibier…un sanglier l’a chargé au bord d’une falaise…
 
Eloïne resta muette. Une question lui brûlait les lèvres, et pourtant elle ne pouvait se résoudre à la poser. Devant le regard tragique que son père lui destinait elle ne put que pousser un grand cri de désespoir, comprenant la réponse à sa question :
 
-Noooon !
 
Le roi ferma les yeux et hocha la tête gravement :
 
-Si…
 
Il sembla à la princesse que la Terre s’écroulait autours d’elle. Un gouffre béant se présentait à elle. Elle y plongea sans hésiter.
Les valets se précipitèrent, avec le roi, pour rattraper la jeune fille. Son corps s’échoua au creux de leurs bras, inerte et léger comme une plume.
            Lorsqu’elle rouvrit les yeux tout lui semblait faux, on l’avait étendu sur son lit et bordée. Des suivantes se succédaient, prenant soin d’elle, mais c’était le roi qui était le plus souvent à son chevet.
 
-Eloïne…Eloïne ma chérie…reviens à nous je t’en supplie !
 
Mais elle ne l’écoutait pas. Un simple bourdonnement lui venait aux oreilles. Des larmes salées coulaient inlassablement sur son visage défait par le chagrin.
 
Les semaines, puis les mois, passèrent et Eloïne resta dans cette transe, muette, immobile et le regard vide. Tous les médecins et shamans du royaume s’étaient précipités à son secours. En vain. Depuis le jour de l’annonce de la mort de Cyprian on n’avait plus vu une seule étoile. Le ciel demeurait d’un noir de jais, même la lune ne se distinguait plus de la toile sombre. Les journées semblaient ternes et plus aucun éclat de vie ne pétillait dans les chaumières. La lumière d’Elyonis s’était éteinte.
 
Au bout de six mois on réussit à la faire bouger de son lit et l’on réussit à la promener dans le parc. Elle reprenait appétit et mangeait, mais aucun son ne sortait encore de sa bouche.
Six autres mois passèrent et Eloïne se remit à voir, elle percevait à présent la vie autours d’elle et était devenue capable de se déplacer seule. Son père la surveillait de près, cherchant un moyen de lui redonner parole et joie de vivre. Tous savaient que tant que la princesse n’aura pas retrouvé son véritable sourire, et sa vie, les nuits et jours resteraient aussi sombres que la mort. On espérait pourtant une guérison.
 
Une année passa de nouveau sans aucun changement. La population perdait foi, à de nombreuses occasions Eloïne avait refait des chutes, sombrant dans son mutisme.
Un jour, alors qu’on l’avait posé sur un banc, celle-ci étant de nouveau retombée au stade primaire, un jeune troubadour la vit. En voyage, il n’avait guère eu vent des évènements. Il savait juste qu’une princesse se mourrait à petite feu. Ne pensant pas qu’il puisse s’agir d’elle il l’accosta :
 
-Bien le bonjour gente damoiselle. Permettez que je vous tienne compagnie ?
 
Eloïne le regarda sans le voir. Devant cette non-réponse il parut décontenancé.
 
-Hum…je…Quel est votre nom ?
 
Elle se contenta de la fixer de ses yeux vides.
 
-Oh…vous êtes muette c’est cela ?
 
Il n’eut pas plus de réponses qu’aux autres questions. C’est à cet instant qu’il comprit que cette jeune fille n’était autre que la fameuse princesse.
Il revint chaque jour, lui parlant de tout et de rien, tentant de la divertir. A la grande surprise de tous cela fonctionna. Un bel après-midi pour la première fois la jeune fille vit réellement le jeune homme qui la côtoyait depuis quatre mois. Grand, musclé, à peu près de son âge, de fines boucles cuivrées tombaient gracieusement sur son visage aux grands yeux bleus-verts. Vêtu d’une chemise blanche, entrouverte sur son torse, et d’un pantalon ample noir, la jeune fille le trouva fort séduisant. Le soir même elle regarda son reflet dans le miroir. Depuis la dernière fois elle avait changé. Son corps disposait d’une poitrine ronde et à présent formée, et d’une taille gracile. Sa chevelure caramel lui tombait gracieusement au milieu du dos et son visage d’enfant avait fait place au visage fin de jeune fille. Les mois s’écoulèrent et l’héritière passait ses journées avec le jeune troubadour, Loris, à faire de longues excursions à cheval, ou à discuter paisiblement dans un coin du parc. En effet la parole lui était revenue progressivement et tous écoutaient avec soulagement et émerveillement sa voix de clochette.
Lors d’une ballade en soirée, alors que Loris bataillait avec entrain un sujet de discussion avec Eloïne, il soupira et s’exclama :
 
-Ma parole tu es la fille la plus têtue que j’ai jamais rencontrée !
 
A sa grande surprise la jeune fille lui répondit par un sourire timide avant de lui tirer la langue. Il se figea. Jamais il ne l’avait vu sourire ! Devant le regard interrogateur de la princesse il s’expliqua en rougissant :
 
-Ton sourire. Je…Quand tu souris c’est comme si tu illuminais tout le royaume…comme si soudain ce monde terne reprenait des couleurs !
 
Ce fut au tour d’Eloïne de se figer. Ses yeux se perdirent dans le ciel rosé.
 
 
-Toute ta vie ?
-Toute ma vie !
-Quoi qu’il advienne ?
-Je te le promets !
 
 
La voix d’enfant se perdit dans la douleur qui tiraillait l’esprit de la jeune fille. Des larmes jaillirent et coulèrent abondamment sur son visage.
 
-Eloïne ? fit la voix inquiète de Loris.
 
La jeune fille leva la tête vers lui et lui offrit son plus beau sourire.
C’est alors que pour la première fois depuis deux ans le ciel retrouva ses étoiles. La lune ronde illumina la toile au dégradé de rose et d’orange, formant un tableau magnifique.
Eloïne, elle, éclata d’un grand rire et l’on entendit mille clochettes retentir dans le royaume entier en une promesse :
 
-Je te le promets !
 
La princesse prit le jeune homme par la main et l’entraina avec elle en riant :
 
-J’ai un secret à te raconter ? Veux-tu l’entendre ? C’est mon histoire…ma promesse…
 
 
 
           
 
            A partir de ce soir là plus aucune nuit ne fut noire et le royaume retrouva ses couleurs et sa joie de vivre. La lumière d’Elyonis venait de renaitre de ces cendres, tel le phœnix, et elle étincelait de nouveau en une promesse, pour toujours et quoi qu’il advienne, tandis qu’à travers les étoiles une voix de velours murmurait un chant :
 
 
Lorsque, pour la première fois, tu nous dévoilas la rangée de tes petites dents
Offrant ainsi un sourire éclatant,
Le royaume entier de mille feux fut paré
Semblable à l’éclat de tes yeux chocolatés.
Et à chaque fois que tu étires tes lèvres rosées
On fête la naissance d’une nouvelle fée.
C’est ainsi qu’à jamais tu demeureras la lumière de mon cœur chantant
Et incarneras l’espoir d’un monde magique et vivant…
 
 
  


 

Samedi 23 mai 2009 à 10:49

L'histoire que je vais vous raconter est immortelle. Elle a voyagé à travers les temps, survécu à ses auteurs pourtant morts depuis plusieurs siècles. Cette histoire, c'est celle d'Eithne, jeune fille Celte d'environ 12 ans. Avant que tout ne commence, elle était en fosterage chez son oncle et sa tante. Elle y apprenait la vie ainsi que ses 4 frères, comme il était de coutume chez ce peuple. Son père était un agriculteur, lui aussi fort occupé à éduquer les enfants des autres quand il n‘était pas aux champs. Quant à sa mère, elle avait quitté cette terre voilà quelques années. Eithne n’avait alors que 8 ans mais elle n’avait pas pleuré. Elle savait que les âmes des défunts s’envolaient vers un autre monde et que sa mère avait entrepris le voyage. Ils l’avaient alors enterrée avec son torque, quelques bibelots et la promesse de se revoir dans l’Autre Monde. Voilà comment était cette jeune fille. Simple et modeste, pleine de vie, de gaieté et d’espoir.
Puis, par un beau matin d’automne, son oncle l’envoya dans la forêt pour faire des provisions de bois en prévision de l’hiver. Eithne s’en alla donc par le chemin qui menait à la rivière. Elle adorait joindre l’utile à l’agréable et chaque fois qu’elle était de corvée de bois, elle s’arrangeait pour flâner en chemin. Ce jour là, elle prévoyait de ramasser quelques fleurs afin de les offrir à sa tante en remerciement pour le temps qu’elle passait à s’occuper de ses frères et d’elle-même et le chemin qui menait à la rivière en était justement rempli ! Comme il était bon de marcher en cet endroit ! On entendait les oiseaux, les cailloux crissaient à chaque pas et l’herbe se froissait au contact du vent. Au rythme de ses rêveries, elle arriva dans une clairière verdoyante parsemée de fleurs multicolores. Eithne entreprit un joli bouquet arc en ciel. Comme cette petite violette se marierait bien avec cette marguerite ! Voilà la composition florale commencée par ces deux simples fleurs. Tout en cueillant, elle continuait à avancer pour ne prendre aucun retard dans sa tâche. De temps en temps, entre deux fleurs, elle ramassait une belle bûche pour l’enfouir dans son sac de toile qui devenait de plus en plus lourd. Elle marcha ainsi jusqu’à la rivière. Au moment où elle allait faire demi-tour, elle aperçut tout un tapis de fleurs majestueuses qui faisait ombre à son bouquet. Ces merveilles feraient très plaisir à sa tante, pensa-t-elle alors. Mais il lui fallait traverser ! Que cela ne tienne, elle connaissait un moyen ! Après un violent orage, dans la saison précédente, le vent avait déraciné un arbre centenaire qui s’était étalé sur toute la largeur de la rivière, faisant un pont naturel. Eithne s’y rendit en courant. Elle sentait déjà le contact des merveilleuses fleurs dans sa main ! Elle grimpa sur le tronc et commença la traversée de la rivière à pas prudents, bras écartés pour contrebalancer. Elle était parvenue à mi chemin quand, surgi de nulle part, quelque chose de volant frôla la jeune fille si rapidement qu’elle ne vit pas ce que c’était. La créature revint et se posta à un mètre d’Eithne, en vol stationnaire, ce qui lui laissa le loisir d’observer cette étrange apparition. Cette chose ressemblait à s’y méprendre à un être humain mais minuscule et pourvu d’ailes. Elle - car c’était une femme - était entourée d’une sorte d’aura lumineuse qui procurait à qui l’observait une sensation de bonheur et de bien être intense. Eithne reconnut une fée, de ce peuple qui hantait les légendes Celtes et que si peu avaient pu approcher. La jeune fille tendit la main, tentant de toucher la créature ailée. Celle-ci se recula tandis qu’Eithne se rapprochait d’avantage, oubliant dangereusement qu’elle se trouvait sur un tronc d’arbre au milieu de la rivière. Et ce qui devait arriver arriva, elle tomba à l’eau.
Les flots en furie la secouèrent de toute part. Eithne se débattait pour atteindre la surface, mais la violence du courant et le poids de son sac de toile plein de bois l’entraînait vers le fond. Plus elle se débattait, plus elle se sentait étouffer, l’air venant à manquer dans ses poumons. Elle allait se laisser mourir lorsqu’une force coupa les lanières du sac de toile et la ramena à la surface. Eithne ouvrit les yeux, assommée par son long séjour sous l’eau. La rivière l’emportait toujours mais la force qui l’avait sauvée était toujours là, lui maintenant la tête hors de l’eau. La jeune fille leva les yeux est aperçut la même petite fée qu’elle avait essayé d’attraper la maintenant par magie. Elle tenta de lui dire merci mais ne réussit qu’à émettre un faible gémissement. Puis, aussi rapidement qu’elle était arrivée, la fée s’évanouit dans la nature, abandonnant Eithne à son sort. Affaiblie et prise au dépourvu, le jeune fille coula à nouveau. Mais sans le poids du sac, il lui fut un peu plus facile de se maintenir à la surface. Cependant, elle était plus souvent sous l’eau qu’à l’air libre, ce qui ne lui permettait pas aisément de remplir ses poumons. Elle allait à nouveau sombrer lorsqu’un objet lourd lui cogna la tête. Instinctivement, elle s’y accrocha et remonta à la surface. C’était un large tronc d’arbre creux aux allures de barque naturelle auquel elle s’accrochait désespérément. Rassemblant ses dernières forces, elle se propulsa dans son embarcation de fortune. Eithne s’écroula, épuisée, au fond du tronc. Frissonnante, elle respira un grand coup, tâchant de retrouver ses esprits. Elle ne se sentait pas sauvée pour autant car elle savait fort bien où menait cette rivière. C’était une monumentale cascade qui l’attendait au bout du chemin, hérissée de rochers tranchants. La jeune fille s’apprêtait donc à mourir, seule dans son tronc. Elle pensa à sa mère qu’elle allait bientôt rejoindre. Les portes du royaume des morts lui seraient ouvertes au bout de cette rivière. Malgré sa mort prochaine, la jeune fille n’avait pas peur. Elle pensait juste à son oncle et sa tante qui se feraient du soucis et qui n’auraient pas de bois. Elle pensait à ses frères qui lui manqueraient quand elle serait dans cet ailleurs, où ils finiraient par la rejoindre mais bien plus tard. Les chutes se rapprochaient, trop tard pour tenter quoi que ce soit. Elle inspira un grand coup et sa barque franchit le point de non retour.
Eithne ferma les yeux, s’attendant à se sentir chuter à chaque secondes. Au lieu de cela, elle eut plutôt l’impression que le tronc avait arrêté sa course, bien que le bruit de l’eau dévalant le précipice fut toujours fortement perceptible. Elle ouvrit les yeux, s’attendant à être bloquée par des racines salvatrices, mais la réalité était bien plus étonnante. Elle dérivait à présent sur une rivière aux eaux paisibles, entourée d’un épais brouillard. Sur les rives, elle distinguait à peine la forme des arbres. La lumière du soleil, étouffée par ce lourd nuage, diffusait une lumière bleuâtre, mystique. Derrière elle, le pied de la cascade qu’elle aurait dû dévaler continuait de cracher ses amas d’eau bruyamment. C’est alors qu’Eithne aperçut des barques formant des ombres chinoises dans le brouillard. Malgré le courant contraire, elles remontaient vers la jeune fille, lentement et sans aucun bruit. Les premières embarcations passèrent près d’Eithne, remplies de personnes aux visages fermés, qui ne lui adressèrent pas même un coup d’œil. Elles étaient figés telles des statues de pierre. En regardant devant elle, la jeune fille vit un unique point lumineux s’approcher parmi les embarcations. Cette lumière d’un jaune rassurant provenait d’une lanterne ronde accrochée au bout d’un mât. La barque qu’elle guidait dérivait toujours vers Eithne, lentement, au rythme des autres embarcations plongées dans la pénombre. Puis la coque du petit bateau cogna contre le tronc de la jeune fille et il s’arrêta. Un silence encore plus pesant s’installa, puis une voix cristalline et légère, amplifiée par un écho mystique, s’exprima :
- Eithne, tu es entrée dans le monde des morts. Vois tu toutes ces âmes qui viennent à ta rencontre ?
Eithne se figea.
- Suis-je morte ?
Une forme vague bougea dans l’embarcation.
- Tu es entrée dans le monde des morts en tant que vivante. Nous t’avons appelée…
- Mais pourquoi ?
- Tu dois prévenir ton peuple d’une menace et d‘un événement important. Un objet a été égaré dans ton monde, empêchant la porte entre nos deux mondes de se refermer. Les voyages spirituels s’effectuent désormais dans les deux sens, ce qui n’est pas naturel.
- Les morts reviennent chez les vivants ?
- Oui, c’est cela. Mais toutes les âmes ne sont pas bienveillantes ! Il a des démons parmi nous, qui n’auront qu’une envie, tuer ton peuple et les emmener dans notre monde prématurément. Ce n’est pas ce que la nature avait prévu.
- Que dois je faire ?
- Préviens ton peuple qu’ils devront instaurer une tradition pour se préserver. Grâce aux pouvoirs de ce monde, nous parviendrons à maintenir les portes fermées mais une fois l’an, elles s’ouvriront pour laisser passer les esprits. Dis à ton peuple de célébrer durant les 3 prochains jours la fin de l’année, celle qui commence et d’honorer les défunts, et cela chaque année à la même époque. Déguisez vous pour empêcher les esprits malins de vous emporter et placez des lanternes sur vos fenêtres pour guider les bonnes âmes. Car toutes reviendront pour la réunion des deux mondes.
Eithne hocha la tête en guise de réponse.
- Quel est cet objet ? Peut être puis je vous aider à le retrouver ?
La forme se figea.
-Ta générosité t’honore Eithne mais ce n’est pas ton destin de retrouver cet objet égaré. Ton but reste de prévenir ton peuple. Maintenant, va !
Le bateau repartit, lentement, dans la direction opposée.
- Attendez ! Comment puis je vous contacter ?
- Le monde des esprits est accessible aux vivants au fil des voyages sur l’eau. Garde ton cœur pur, Eithne, pour toujours …
La jeune fille sursauta. Cette dernière phrase … Non, ce n’était pas possible …
«  Garde ton cœur pur, pour toujours … », une phrase que sa mère lui disait souvent, la dernière phrase qu’elle prononça à son intension sur son lit de mort. Cette entité…
Eithne se redressa brusquement, manquant de faire chavirer le tronc.
- Mère ???
Dans la barque qui continuait à avancer, la lumière augmenta. L’entité se retourna et pour la première fois depuis l’entretien, Eithne découvrit son visage. Un visage rayonnant de bonté, au sourire plein de grâce et de paix. La jeune fille, émue, reconnut sa mère en cette apparition.
- Mère ! Ne me laissez pas encore, revenez !
Sans cesser de sourire, l’entité se détourna et la lumière disparut subitement.
Eithne se retrouva alors sur la rive de la rivière, toujours dans son tronc. La forte luminosité du soleil lui fit mal aux yeux. Elle observa les alentours, inédite. Comment avait elle fait pour passer de la rivière du monde des morts à la rivière des vivants en un clignement de paupière, sans même s’en rendre compte ?
Elle sauta hors de sa barque naturelle et s’engouffra dans la forêt. Elle courut aussi vite que ses jambes fatiguées le lui permettaient, des milliards de questions lui traversant la tête.
L’oncle d’Eithne fut bien intrigué et contrarié de voir arriver sa nièce trempée, sale et sans bois pour la réserve. Il s’apprêtait à la rouspéter lorsqu’elle se planta devant lui, essoufflée, les mains sur les genoux, mais elle prit la parole :
- Mon oncle, il est arrivé quelque chose d’incroyable ! Je suis entrée dans le monde des morts et je suis leur messagère. Il faut réunir les anciens pour un conseil, j’ai beaucoup de choses à dire.
C’est dans une clairière au cœur de la forêt qu’Eithne livra son étrange récit. Personne ne remit sa parole en doute et ainsi fut décidée l’instauration de la fête de Samain dans le calendrier Celte.
Le temps a bien passé depuis ce jour où Eithne entra dans l’Autre Monde, le monde des Dieux, des Morts et de toutes les créatures magiques. La tradition perdura mais jamais ne fut retrouvé le fameux objet inconnu qui maintenait le passage spirituel ouvert 3 jours dans l’année. De nos jours, ce passage existe toujours, peut être aurez vous l’occasion de l’emprunter au fil de vos voyages sur l’eau ! La fête de Samain est encore présente dans notre culture, bien que largement modifiée. Seulement, nous préférons l’appeler Halloween désormais…

Samedi 16 mai 2009 à 12:52

http://chavermax.free.fr/concours/litasmall.jpg
 
Il était une fois, il y a soixante mille ans, sur une planète lointaine, une jeune fille prénommait Lita vivait avec ses parents dans le système Ursuf. Ils travaillaient, comme tant d’autres parents de toutes les colonies, dans les mines atomiques pour trouver du fusuym. Matériaux principalement utilisé dans les vaisseaux de tout l’empire terrestre pour passer en hyperespace et voyager à travers les galaxies. Son père pilotait les robot-grues qui creusaient la planète à la recherche du fusuym et sa mère était un ingénieur, aidant à rendre les robot-grues plus performant.
Ce matin là, Lita, âgé d’une quinzaine d’année, n’était pas allé à l’école. Il faut dire qu’elle n’aimait pas beaucoup le collège. Ils y apprenaient tous à devenir soit pilote de robot-grues, soit ingénieur ou tout autre métier étant en rapport avec les recherches menés sur la planète. Elle rêvait de quitter cette maudite planète grise où l’atmosphère était si rare que l’on pouvait voir les étoiles lorsqu’il faisait jour et où les nuits étaient vraiment très obscure. Il semblait faire nuit en permanence et ce n’était pas les trois soleils du système Ursuf qui lui donnerait un teint hâlé.
Lita était devant son ordinateur et discutée avec son « petit ami » sur holo-messenger, qui lui, malgré le réglage un peu pâle de l’hologramme avait un teint très bronzé. Comme c’était la mode à cette époque, les jeunes aimaient avoir un fiancé sur une planète lointaine où ils n’iraient probablement jamais.
- Alors, quel temps il fait sur Eden Prime ? Demanda Lita à Cel, son ami.
- Beau ! Dit-il fièrement en levant les yeux comme pour regarder le ciel azur de sa planète. Tu ne devrais pas être en cours toi ?
- Je… Commença Lita lorsqu’elle entendit des acclamations dans la rue.
Elle sortit sur son balcon du quatrième étage, donnant une vue sur l’immense fosse où se déroulait les travaux d’extraction du fusyum. Dans la petite rue, des passants criaient et s’agitaient en regardant le ciel : « Il faut fuir ! », « Convoquez tous les vaisseaux de transports… », « On va mourir ! »
Lita compris l’agitation des passants en levant les yeux vers le firmament. En effet, le soleil le plus éloigné d’Ursuf semblait différent. Il formait comme un anneau qui grossissait à vue d’œil, de plus en plus lumineux.
- Lita ? Tu es là ? Demanda Cel. Ils annoncent aux infos qu’une supernova est en train de se former dans ton système. Lita ?
Le holo-messenger se coupa. Les perturbations électro-magnétique de la nova coupèrent toutes les communications. On voyait déjà des vaisseaux de différentes tailles décoller de la planète et bruler quelques particules de fusuym pour quitter le système stellaire.
- Lita ! Il faut partir, dépêche-toi ! Cria alors sa mère au moment où ses parents entrèrent dans la pièce. Ils ne se rendirent même pas compte qu’elle avait séché les cours. Son père remplit une petite valise de quelques vêtements et de deux ou trois appareils, sa mère s’occupa de glisser quelques provisions dans un sac.
- Lita, prend ce que tu veux mais dépêche-toi. La navette d’urgence part dans trois minutes.
Mais Lita ne bougeai pas. Elle n’avait pas peur de mourir, elle était plutôt fascinée par le phénomène qu’elle ne quitté pas des yeux.
Ses parents s’occupèrent donc de la tirer par le bras. La décrochant de son balcon. Ils poussèrent la pauvre Lita dans un état second jusqu’au téléporteur de l’immeuble. Celui-ci les amena directement dans la navette d’urgence, prête à recueillir dix milles personnes pour ce genre de catastrophe.
Alors que le rêve de Lita, comme beaucoup de jeunes filles de sa planète, était de quitter une bonne fois pour toute cette planète (et pourquoi pas, allait retrouver son petit ami Cel sur Eden Prime). Elle refusa fermentant cette offre en se retournant vers ses parents au moment ou la navette qui quitta le sol pour entrer en hyperespace.
- Je ne dois pas partir !
- Quoi ? Demandèrent ses parents, interloqués.
- Je dois y retourner. Dit-elle calmement en faisant quelques pas en arrière vers le téléporteur.
- LITA ! NON ! Crièrent ses parents.
Lita fut alors ramené dans son immeuble. Elle fut soudain prise d’angoisse. Qu’est-ce qui la poussé à revenir sur cette planète qui allait être détruite ? Elle se mit à courir vers son appartement puis vers le balcon. Là, elle revit la lumière de la nova, se qui eut pour effet de l’apaiser. Le phénomène s’amplifiait de plus en plus, le second soleil du système Ursuf était lui aussi entrain d’exploser. Bientôt ce serait le tour du troisième et dernier. Elle jeta un œil à la navette où se trouvaient ses parents. Ce n’était qu’un petit point lumineux au dessus de la planète. Il y eut un flash et le vaisseau s’échappa. Les derniers vaisseaux personnels quittèrent à leurs tours la planète puis se fut le calme total. Il n’y avait plus de robot-grues qui creusaient le sol, de voitures qui planaient dans les rues ni de chiens qui aboyés Les derniers oiseaux qui avait été introduit sur cette planètes, il y a des centaines d’années s’envolèrent le plus loin possibles, tentant de fuir à une mort certaine.
Lita était seule sur son balcon, elle n’avait toujours pas peur. La supernova ayant dévasté les trois soleils, une vague rougeoyante arriva à toute vitesse sur la planète. Les montagnes au loin volèrent en éclat. Pour la première fois, il faisait réellement jour sur la planète. Lita plissa les yeux, elle n’ignorait pas qu’elle allait mourir mais cependant, elle n’avait toujours pas peur.
La « vague » se stoppa alors net à quelques kilomètres de la ville. Lita crut un moment que tout était terminer mais elle se rendit compte que les immenses morceaux de roches balayés par la « vague » restaient suspendu dans les airs et bougeaient très lentement. Elle se retourna et poussa un vase sur une table. Celui-ci glissa de la table puis tomba au ralentit en restant légèrement suspendu dans les airs.
- Pourquoi tu n’es pas partit ? Demanda alors une voix dans le dos de Lita.
Elle fit volte-face, surprise. Un homme dont l’âge semblait indéfinissable était debout, appuyé contre le balcon. Il semblait jeune mais très mur d’expression. Il possédait des vêtements sobres, le même type de combinaison que tout le monde porté. Ces cheveux, ses yeux et sa couleur de peaux était un parfait mélange métis de toutes les populations humaines de toutes les galaxies.
- Je n’ai pas peur ! Fit Lita.
- Tu n’as pas peur de mourir ? Pourquoi à ton avis ?
- Je suppose qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur de mourir…
- Bonne réponse. Lui répondit l’homme. Je me présente, je m’appelle Fif.
- Je m’appelle…
- Lita ! La coupa Fif. Je sais, je sais… Je cherche des personnes comme toi pour repeupler mon monde.
- Tu viens de quel système ?
- Je viens de tous les systèmes. Je peux être partout en étant présent en un seul endroit. J’étais ton soleil il y a encore quelques heures, maintenant je suis nova et donc libérer pour… aller ailleurs.
- Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
- M’aider à former d’autres étoiles. A la vitesse où les humains détruisent les planètes et brulent le fusyum. Il sera impossible dans quelques milliers d’années de créer de nouvelles étoiles. Ils ne le savent pas encore, mais le fusyum est… notre nourriture. C’est le fusyum qui permet à notre peuple de créer de nouvelle étoile. C’est aussi pour ça que j’ai décidé de me changer en nova plutôt que prévus. Il faut que l’humanité comprenne qu’après avoir détruit la Terre il y a quelques centaines d’années, ils vont détruire tout l’univers.
- Mais que puis-je faire ?
- Ton âme est assez pure. Donne-moi la main.
Lita attrapa alors la main de Fif et, dans un éclair de lumière, ils disparurent. La vague repartit alors à vitesse normale et la planète fut soufflée comme un petit tas de poussière.
 
Quelques parsecs plus loin, la navette des parents de Lita voyageait dans l’hyperespace vers la planète la plus proche.
Alors qu’ils pleuraient la disparition de celle-ci, leur vaisseau croisa une lumière qui traversa la coque. Celle-ci se déplaça à travers la foule en dansant au milieu des rescapés sans domicile. La lumière s’arrêta finalement devant un couple, assis sur le sol glacé du vaisseau.
- Lita ? Demanda alors sa mère qui reconnut sa fille, entourait d’un halo de lumière.
- C’est moi Maman. Je ne suis pas morte. J’ai un message pour vous, pour vous tous.
Tous les autres passagers de la navette se rassemblèrent alors autour de cette jeune fille dont le corps semblait n’être fait que de lumière.
Lita leur raconta donc qu’il ne fallait plus utiliser de fusyum, qu’il ne fallait plus voler les ressources des planètes qui étaient colonisées. Que le fusuym était la source de vie de l’univers et qu’il fallait la laissé en paix pour un peuple vivant dans un plan d’existence bien supérieur aux humains. Certains restaient sceptiques mais tous burent ses paroles comme s’il s’agissait d’une déesse.
- Papa, maman, je vous aime. Et je resterais auprès de vous pour le reste de votre vie.
Dans une explosion de lumière scintillante, Lita disparut du vaisseau et plus jamais personne ne la revit.
 
Quelques mois plus tard, les parents de Lita emménagèrent sur Eden Prime. La luminosité de cette planète leurs piqua les yeux et brula légèrement leur sensible peau blanche mais la tranquillité et le climat tropical leur laissa vivre de beaux jours devant eux. Les passagers racontèrent alors ce qu’il avait vus dans la navette. Certains ne voulaient pas les croire mais les caméras de sécurité du vaisseau ne purent mentir. Les scientifiques ayant examinait les faits ne purent se rendre à l’évidence, de plus, une étoiles devant nova du jour au lendemain ne pouvait être expliqué rationnellement.
C’est depuis ce jour, il y a soixante mille ans, qu’aucune race de l’univers ne consomme d’énergie fossile suite à des centaines de décrets établis en des dizaines d’années partout dans l’univers. Depuis ce jour, les humains ont appris à voyager grâce à la pensée. C’est aussi depuis ce jour, qu’une étoile est subitement apparut au-dessus de la planète Eden Prime et qu’elle fut baptisé : Lita.


Samedi 16 mai 2009 à 12:42

La Geste de Sieur Roland dit le Preux
Telle qu'elle fut narrée par ses nombreux troubadours à travers le royaume
 
 
 
I
Comment Roland partit vaincre le terrible dragon Ormond dans la Gueule du Diable
 
 
Il était une fois, dans un pays lointain aux frontières incertaines, pour ne pas dire inconnues, un garçon qui s'appelait Roland. Loin d'être pareil au paladin dans la chanson, il en était par contre un fervent admirateur. Il parcourait le village qu'il habitait depuis sa naissance, rendant menus services et étant très courtois, toujours vêtu d'une manière extravagante pour ces gens loin des combats, et portant sans cesse à sa ceinture une épée taillée par son père dans le bois de l'olivier qui poussait dans leur jardin ; qu'il nommait Durandal.
Roland était donc apprécié dans le village, reconnu pour sa bravoure quant à aider son prochain, et toujours en quête d'une mission que lui donnaient, conciliants, les grandes personnes, se gardant toujours de le faire trop s'éloigner du village.
Mais Roland, après nombreuses quêtes pour ces braves gens, aspirait à quelque chose de plus glorieux, de plus héroïque ! Quand il n'était pas par monts et pas veaux dans les collines du village, il se prenait à imaginer ce qu'il y avait au-delà, derrière l'horizon, ce qui lui était caché. Il rêvait de parcourir le pays, Durandal à la main, chevauchant son fier destrier qui l'emmènerait délivrer les opprimés et répandre la justice sur les terres de ce royaume.
Mais le village était cerné sur un côté par un cours d'eau infranchissable, et de l'autre par une ceinture rocailleuse. Il suffisait qu'il fasse un pas de trop en direction de l'un ou de l'autre pour qu'on le rappelle à l'ordre. Alors il revenait, obéissant, dans le village, ou les collines avoisinantes, et restait sagement à effectuer ce pourquoi on le quémandait faussement. Car il n'était pas dupe, il comprenait le regard qu'avaient sur lui les grandes personnes ; celui avec lequel on regarde un enfant qui s'amuse. Et ça, Roland parvenait difficilement à l'accepter, même s'il se montrait toujours complaisant à leurs demandes.
 
Un jour, enfin, alors qu'on lui avait demandé d'aller porter un message au fermier, à une des extrémités du village, il profita de cet éloignement pour s'aventurer au-delà des limites autorisées. Ayant prévu à l'avance son évasion, il portait sur lui une besace contenant des vivres, des habits pour supporter les nuits fraîches, et bien sûr, son épée Durandal glissée à sa ceinture.
Il avait prévu que son départ ne serait remarqué que tard le soir, car il avait l'habitude de rentrer au coucher du soleil, et à ce moment de la journée, il serait déjà assez loin pour que le temps que mettraient les gens du village à le rejoindre lui apporte la faveur de l'obscurité nocturne. Ainsi, il pourrait se cacher dans les feuillages qui étoffaient les berges du cours d'eau.
Il marcha donc, dépourvu de monture qui aurait pu l'emmener vite loin, tant que ses jambes le permettaient. La nuit venue, pensant que même ses poursuivants devaient dormir, il se blottit dans un coin d'herbe, à l'abri des regards près de l'eau ruisselante, et s'endormit.
Au matin, un soleil chaud le réveilla et, sans perdre de temps, il rempli son estomac vide et se remit en route. Personne n'était venu le déranger. "Peut-être, pensa-t-il, ont-ils compris que j'avais décidé de m'en aller mener ma vie et vivre par mes propres moyens les aventures dont j'étais privé au village ?". Nullement inquiet, ni ne pensant plus aux gens du village ni à son père, il poursuivit son chemin en remontant la rivière vers l'intérieur des terres.
 
Il marcha tout une journée sous un ciel sans nuages, suivant la rivière vers le nord, et vit en fin d'après-midi se profiler à l'horizon le découpement d'une ville au moment où, à l'ouest, s'avançaient de noirs nuages. Roland n'avait jamais été dans une ville, et s'il se sentait un peu intimidé à l'idée d'entrer seul dans cette grande cité peuplé d'hommes braves et de voyageurs en tout genre, il était tout d'abord impatient de rejoindre leur monde, et de trouver, pensait-il, une tâche héroïque à accomplir. Sur ce point, il ne doutait pas : c'était ici qu'allait commencer sa renommée, et plus tard, quand on conterait ses mémoires, on dirait : "le chevalier Roland accompli son premier exploit dans la première ville qu'il croisa". La tête remplies de pensées dans ce genre, il rejoint la route pavée qui venait de l'est et qui entrait dans la cité.
Manquant, alors qu'il franchissait l'enceinte, de se faire renverser par une charrette, il commença à se faire plus prudent, et appris aussi à éviter les grands pas des adultes qui ne regardaient pas où ils mettaient les pieds. Non seulement personne ne semblait se soucier de la présence d'un enfant en ces lieux, mais en plus, ils semblaient ne pas le remarquer, ou ne pas y prêter attention. Fronçant les sourcils, Roland commença à réfléchir à l'endroit où il pourrait trouver une quête à accomplir. Mais, alors qu'il marchait, évitant de promener son regard hors de devant ses pieds et des gens qui passaient, il croisa l'enseigne en bois d'une taverne qui oscillait à quelques mètres du sol. Reconnaissant le même dessin que celle qui se trouvait dans le village et d'où il avait déjà vu sortir son père, il s'y dirigea, esquivant les passants et se faufilant entre les roues des charrettes.
A peine entré à l'intérieur, l'odeur lui rempli le nez et la fumée lui piqua les yeux. Ne voulant pas ressembler à un pleutre dont on se moquerait, il fit fi de ces désagréments et s'avança vers le comptoir pour s'adresser au tavernier.
- Ola, brave tavernier. Dis moi, je cherche quelque action héroïque à accomplir. Sais-tu où je pourrais trouver des gens dans le besoin à délivrer de leur chagrin par ma force et ma bravoure ?
Le tavernier se mit à rire d'un gros rire caverneux en se cabrant en arrière.
- Ola, jeune marmot ! Tu veux devenir chasseur de prime ?
Outré qu'on puisse le confondre avec une crapule de la sorte, Roland répondit au tac-au-tac.
- Non ! Je suis un chevalier !
- Un chevalier ! répéta le tavernier. Voyez-vous ça ! Mais, je n'ai point ouï clamer votre arrivée, monseigneur !
Il se recula est mima une révérence grotesque. Roland, vexé, s'éloigna du comptoir sous les rires moqueurs du tavernier et de ceux qui, autour, avaient tout entendu. Dans la foule hilare, quelqu'un lui tendit alors une feuille de parchemin. Il l'attrapa instinctivement, mais au moment où il leva la tête pour voir qui la lui avait passée, il ne vit que des gens bras croisés riant à gorge déployée.
Il quitta le bouge en courant et alla s'abriter dans un coin à l'écart de la foule pour contempler ce qu'on lui avait remit.
C'était une annonce représentant à ne point s'y méprendre un dragon à l'aspect terrifiant et à la récompense astronomique. Y voyant là son premier geste héroïque digne d'un chevalier de sa renommée, il roula le parchemin puis le glissa dans sa besace. L'annonce indiquait que le féroce était tapi dans les montagnes au nord de la ville, dans une grotte qu'on appelait "la gueule du Diable", depuis qu'il s'y était installé.
Après s'être renseigné sur la route à prendre, il ne perdit pas de temps et quitta la ville par le nord, vers les montagnes.

II
Comment Roland partit délivrer la princesse Orphane retenue prisonnière par le comte de Nimund
 
 
Sur son chemin vers le mont Bröm, alors que les nuages menaçaient de déverser leur pluie torrentielle sur ces terres, il trouva une vieille masure abandonnée qui fut son toit pour la nuit. Au matin, sec et encouragé par le soleil qui à nouveau dardait ses rayons sur le flanc de la montagne, il entama son ascension, sa besace en bandoulière, et Durandal à sa ceinture, n'ayant point à l'esprit la façon dont il aborderait le dragon une fois au sommet, mais plutôt le triomphe qu'on lui ferait à son retour en ville, traînant derrière lui la tête tranchée de la bête immonde. Sûr que cette fois, le gros tavernier ferait moins le fanfaron face à lui !
Il marcha ainsi jusqu'à ce que le soleil à son zénith face gronder l'estomac du jeune chevalier. Roland alors s'arrêta et prit le déjeuner qu'il s'était préparé au matin, de baies et de fruits qui poussaient dans les bois environnants. Après quoi il se remit en route pour enfin atteindre le sommet du mont après une heure de marche supplémentaire.
Il termina son ascension sur un plateau dépourvu de boisement qui offrait un panorama sur tous les horizons, et jusqu'à son village, peut-être. Mais il ne prit pas le temps d'admirer le paysage, car il vit aussi, face à lui, l'ouverture béante de la Gueule du Diable ; cette grotte sombre et profonde qui s'offrait comme pour l'inviter en Enfer.
Campé sur ses deux jambes, les sourcils froncés, il posa sa main droite sur la poignée de Durandal et la tira de sa ceinture, prêt à se battre.
- Dragon ! Héla-t-il en direction de la caverne. Je suis le chevalier Roland, et je te défie ! Viens, si tu l'oses, y répondre de ta personne, et tâter de Durandal, mon épée !
Il se passa un instant durant lequel Roland cru que le dragon n'avait pas entendu, puis enfin, des tremblements cadencés se firent ressentir, le sol bougea, les cailloux sautèrent sous les impulsions des pas de la bête.
Enfin, le dragon apparut aux yeux de Roland, se découpant dans l'embrasure de la grotte. A quatre pattes, sa hauteur devait atteindre celle de deux hommes. Sa tête, semée de cornes qui lui faisaient une couronne, semblait taillée dans le cuir le plus épais, et ses yeux dans le jais le plus obscur. Quant à ses dents, Roland ne pouvait pas encore les voir, mais il les devinait derrière sa gueule que surmontait deux narines laissant s'échapper d'épaisses volutes de fumée.
- Un enfant ? s'étonna le dragon avec un mouvement de surprise.
- Je suis le chevalier Roland ! reprit notre héros en brandissant son épée devant lui. Je te convoque en duel !
- Provoque, fit le dragon en prenant une position plus décontractée. Tu me provoques en duel.
Ignorant cette remarque, Roland ne répondit rien.
- Très bien, chevalier. Que comptes-tu faire avec le bâton de bois que tu tiens dans ta main ? demanda le dragon.
- Je n'ai que faire de tes sarcasmes ! Ils ne sont que la marque de ta position de faiblesse ! lança Roland, provocateur. Durandal te fera payer cher ton arrogance !
- Pourquoi donc voudrais-tu me terrasser ? fit le dragon. Aurais-je fait quelque chose de mal ? T'aurais-je porté préjudice à toi ou à ta famille ?
- Tu terrifie les gens de cette ville en contrebas ! répondit Roland. Les dragons n'ont que faire dans cette partie du royaume !
- Ah, si tu savais... dit le dragon. Nul endroit nous est promis, et nous sommes pourchassés à quelqu'endroit que nous allions. Les gens de cette ville n'ont vu que mon ombre dans le ciel, et la craignent sans raison. Mes ailes ne me mènent qu'aux dessus de ces monts, et mes repas ne sont fait que de vils animaux.
- Alors pourquoi te chasser ? demanda Roland, moins suspicieux.
- Mon cuir est cher et ma mort apporte gloire pour toute une vie à celui qui la cause. Les hommes n'ont que faire de ce qui ne les touchent personnellement, et tout moyen est bon pour les porter aux nues.
- C'est abject, conclut Roland en baissant son épée. Ma gloire ne doit pas coûter le prix de la vie d'innocents, c'est aller à l'encontre de la chevalerie !
Le dragon ne répondit rien et laissa Roland, tête baissée, réfléchir à toutes ces choses.
- Soit, dit enfin le garçon. Je ne te coucherai point à trépas, car après tout, je ne suis pas un bourreau. Mais comment alors pouvoir accomplir quelque action glorieuse qui me ferait reconnaître parmi les hommes ?
- Il existe des actes héroïques justes et louables, dit le dragon. Il ne tient qu'à toi de savoir ce qui l'est ou pas.
Le garçon réfléchit encore un moment, puis releva la tête et brandit son épée vers les cieux.
- Il me faut donc accomplir une nouvelle mission ! déclara-t-il. En tant que chevalier, je me dois d'aller secourir une princesse retenue prisonnière. Ma gloire est assurée si je parviens à conquérir son coeur et à l'épouser ; me voila alors devenu roi ! Mais comment trouver une telle princesse...
Le dragon ne commenta point la décision du jeune Roland, et accepta de l'aider dans sa nouvelle quête. Il lui parla donc d'une princesse retenue effectivement prisonnière dans le donjon d'un château, sur une région frontalière du royaume. Roland n'ayant pas de monture pour rejoindre ce lieu fort éloigné, le dragon accepta de lui servir de guide et de l'emmener sur son dos à travers le pays.
- Comment te nommes-tu, valeureux dragon ? demanda Roland au moment de décoller.
- Mon nom est Ormond, répondit le dragon. Et toi, chevalier, comment t'appelle-t-on ?
- Roland.
Ainsi, ils quittèrent la région, et Roland perdit de vue le petit village duquel il venait, et auquel il n'avait accordé plus aucune pensée depuis quelques temps.

III
Le pouvoir de Roland et la réaction de la princesse Orphane
 
 
Le dragon vola par dessus les terres pendant toute la durée du jour, s'arrêtant parfois pour chasser le repas dont l'estomac de Roland ne pouvait se passer, contrairement à celui d'Ormond qui, étant celui d'un dragon, pouvait se retenir de manger pendant plusieurs jours s'il le désirait. A la fin de la journée, ils s'arrêtèrent dans une clairière de l'immense forêt qu'ils survolaient depuis maintenant assez longtemps. Roland, alors assis sur le dos du dragon, avait observé, stupéfait, ce qu'il n'avait jamais osé imaginer. Comment aurait-il pu connaître toutes ces choses, lui qui n'était jamais sorti de son village, et donc jamais personne d'étranger, là-bas, n'allait ou ne venait pour leur conter les histoires d'autres lieux ? Il découvrait un monde qui lui était totalement inconnu, et qui pourtant, comprenait-il aujourd'hui, était à portée de ses pas s'il le désirait.
Assis dans la clairière, Ormond, qui par sa taille imposante occupait la quasi-totalité de l'espace, soufflait très légèrement sur le bois placé dans un foyer improvisé que Roland était allé chercher pour l'enflammer. Les flammes qui sortaient de sa gueule était néanmoins impressionnantes, alors même que le dragon s'efforçait d'être délicat. Roland pensa plusieurs fois que si le dragon prenait froid, un éternuement lui serait fatal, c'est pourquoi il lui demanda le soir venu s'il avait déjà été malade.
- Oui, répondit le dragon, une fois alors que j'habitais une montagne très boisée. Les humains ont du creuser des tranchées sur le flanc de la montagne pour empêcher l'incendie de se propager.
Sur quoi il se mit à pousser un rire tonitruant, la tête penchée vers le ciel. S'arrêtant alors sans changer de position, il cracha en l'air une boule de feu qui finit sa course dans la voûte céleste pour se perdre dans les étoiles. Roland regarda ce spectacle avec admiration, et ne douta plus jamais de sa sécurité près d'Ormond.
Au matin, ayant tous deux bien dormi, et après un petit déjeuner copieux, ils se remirent en route ; Ormond dispersant les cendres de leurs campement en battant des ailes pour s'élever dans les airs, et continuèrent vers l'Ouest.
 
Ce fut quand le soleil à son zénith fit remarquer à Roland que l'ombre d'Ormond se dessinait tout en bas, sur les campagnes et les terres cultivées, qu'ils arrivèrent en vue de du comté de Nimund. Le dragon le fit remarquer à Roland qui fronça les sourcils et posa instinctivement sa main sur Durandal.
- Du calme, dit Ormond qui sentait qu'on bougeait sur son dos, nous n'y sommes pas encore. Tu devrais plutôt réfléchir à une stratégie d'assaut sur le château pour délivrer la princesse.
- Penses-tu ! J'y réfléchis depuis que nous avons quitté la forêt ! Nous allons survoler le donjon de cette grande geôle et, depuis ton dos, je sauterai à travers la fenêtre du donjon pour y presser la princesse de nous suivre loin de ces terres, et s'il le faut, j'estourbirai les gardes qui se mettront sur mon chemin.
Le dragon fit mine de réfléchir puis continua d'une voix calme.
- Je pense tout d'abord que tu serais plus avisé d'essayer de régler cette affaire en ta position de chevalier ; avec tact et diplomatie.
Roland fit silence un instant, puis répondit :
- Comment ? Veux-tu donc que je le conjure d'accéder à ma demande ? Je ne m'abaisserai point à de telles indignités pour un scélérat !
- Je ne t'en demande point tant, fit le dragon toujours calme, seulement d'éviter les morts inutiles ; l'affrontement est futile et meurtrier quand il peut être épargné.
- Soit, admit Roland. Je vais demander audience au comte et lui enjoindre de libérer la princesse sur le champ. S'il refuse, j'accomplirai alors mon devoir de chevalier, épée hors du fourreau.
Sur quoi Ormond descendit vers le château, qui se dressait déjà au centre des terres du comte, entouré par la ville de Nimund. Au sol, Roland voyait s'activer les paysans dans les champs, les bourgeois dans les villes, et des soldats çà et là. Il ne les voyait pas lever la tête au ciel lorsqu'ils étaient soudain plongés dans l'ombre fugitive du dragon, ni les pointer du doigt ; et il ne les entendait pas plus s'étonner, s'écrier de peur et partir en courant. Non, il regardait devant lui, vers le château qui était sa prochaine destination.
Ormond se rapprocha du sol pour enfin atterrir sur une place circulaire assez grande pour l'accueillir. Autour d'eux, il n'y avait plus personne. Roland mis pied à terre et vit s'approcher, au loin, une cohorte d'hommes en armures portant des piques. Il s'avança et dégaina Durandal. Derrière lui, Ormond lui rappela ce qu'il devait faire. Roland hocha la tête et remit son épée à sa place. Bientôt, un cercle se fut formé autour d'eux tous, plus élargit cependant du côté du dragon, que tous craignaient. Alors se forma une trouée dans la rangée de soldats, et un homme grand de taille et bien bâtit s'avança, tout vêtu d'élégance et de tissus colorés. Roland pensa que ce devait être le comte.
- Eh bien, que se passe-t-il ici ? demanda le noble, la tête légèrement inclinée vers le haut à cette façon qu'on les grands hommes de se penser supérieurs.
- Mes hommages, comte de Nimund, répondit Roland en tentant une révérence maladroite.
- Comment, diable, est-ce toi qui a amené ici cette monstruosité ? dit le comte en désignant d'un geste vague Ormond qui se trouvait derrière.
- Il m'y a conduit, mon seigneur. Je voulais m'entretenir avec vous sur une affaire importante.
Le comte pouffa et haussa les sourcils.
- Le drôle ! Il veut s'entretenir avec moi !
Il se retourna vers ses hommes qui, enjoints à le suivre, se mirent aussi à rire. Roland fronça les sourcils ; cet homme lui rappelait le tavernier dans la première ville où il s'était arrêté. Il se moquait de lui. Quelle impertinence !
- Assez ! tonna Roland de sa voix fluette d'enfant. Je vous somme de m'entendre !
Le comte retrouva son sérieux.
- Qui es-tu pour me sommer, moutard ? Je suis le comte de Nimund !
- Et moi le chevalier Roland ! Je vous coucherai tous sous le fil de Durandal si vous ne me laisser pas passer !
Le comte se mit alors franchement à rire, et tous avec lui. Roland était rouge de colère, il dégaina son épée.
- Je vais rayer cette ville de la carte si vous continuer à me montrer un tel irrespect !
A ce moment précis, Roland leva le bras, Durandal dans la main, et s'apprêta à porter un coup par terre - nerveux, vraisemblablement. Ormond, percevant le geste, leva discrètement une patte du sol, dissimulée du regard des gens par ses ailes à terres, et l'abattit de toutes ses forces au moment où l'épée de bois de Roland frappait le sol pavé de la place.
Le tremblement fit vaciller la plupart des soldats, alourdis et déséquilibrés par leur armure, qui se trouvaient sur la place, et le comte lui-même tomba à la renverse sur son séant. Tous, qui n'avaient vu que le jeune Roland frapper le sol de son épée, furent alors effrayés en pensant que c'était là son forfait. Des murmures s'élevèrent et plusieurs gardes annoncèrent qu'il s'agissait bien là de Durandal, à n'en point douter, et que cet enfant était la réincarnation de Roland le chef paladin, ou son fantôme revenu du royaume des morts. Suite à quoi les hommes armés commencèrent à reculer, se disperser, pour enfin faire place libre à Roland et Ormond sur la place. Seul restait le comte, à terre, qui eut vite fait, voyant qu'il était seul, de s'enfuir à toutes jambes.
Roland alors, fier de lui et ne doutant point du pouvoir de Durandal, se mit en marche vers le château dont la route qui y menait en ligne droite était toute dégagée. Ormond, derrière, souriait sans rien dire en suivant le petit d'homme.
Le jeune chevalier pénétra dans le château sans que personne ne lui dise mot ni ne viennent à sa rencontre ; car tous avaient ressenti le tremblement causé, pensaient-ils, par Durandal. Ainsi Roland n'eut pas de mal à monter les étages jusqu'au Donjon et ouvrit la porte de la dernière chambre avec la clé remise par le geôlier duquel il avait appris le prénom de sa douce.
Il entra dans la chambre, Durandal à la main, et vit la princesse Orphane de l'autre côté, assise devant une coiffeuse, à se passer une brosse dans ses cheveux dorés. Il fit quelques pas puis, rapidement, mit un genou à terre, les mains sur Durandal plantée devant lui, et il se présenta.
La princesse, entendant alors sa voix, se retourna brusquement.
- Comment ? Un enfant !
Roland leva la tête et pu admirer le visage d'ange de celle qui serait bientôt reine à ses côtés.
- Qu'est-ce que tout cela veut dire ? parvint-elle à demander, presque à bout de souffle sous le coup de l'émotion provoquée par sa stupéfaction. Est-ce vous qui avez provoqué tout ce chambardement ? Qu'est-ce que cela veut dire ? répéta-t-elle.
- C'est moi, princesse, fit Roland en se relevant. Je suis venu vous tirer des griffes de ce comte qui vous retenait prisonnière et vous ramener avec moi.
- Vous ? Mais vous n'êtes pas chevalier !...
- Je suis le chevalier Roland ! répondit-il, vexé.
- Mais... fit la princesse, embarrassée. Je ne peux point être sauvée par un enfant. Qui plus est un roturier, car vos frusques ne témoignent en rien de votre rang de messire.
Roland ne savait que dire de plus. Il se tenait debout devant elle, était venu la délivrer, mais elle refusait à se laisser sauver par lui sous prétexte qu'il était un enfant.
- Non, ajouta-t-elle en secouant la tête, je suis navrée mais je ne puis point être aidée par une personne de rang inférieur au mien, il en va de mon avenir. Veillez me laisser, maintenant.
Sur quoi elle se retourna sans plus d'égard pour Roland et s'en retourna à sa toilette. Celui-ci, dépité, tenait maladroitement Durandal à sa main molle. A la fenêtre, sur sa droite, Ormond avait planté ses griffes dans l'encadrement et avançait sa tête de façon à voir ce qui se passait. Roland le vit alors et se dirigea vers lui. Sans un mot, il monta sur son dos et tous les deux s'éloignèrent du donjon, du château, et du comté de Nimund.

IV
La fin du début du récit de Roland
 
 
Roland était toujours sous le choc de la réaction de cette princesse, de son refus d'être délivrée. Après quelques minutes de vol vers le nord, ou Ormond l'emportait, plus par habitude que par idée précise d'un lieu où aller, il se décida enfin à parler.
- Tu as vu la réaction de cette princesse ? demanda-t-il au dragon.
- Oui, j'ai vu, fit-il. Tu sais, Roland, le monde n'est pas fait de tout ce qu'en racontent les poètes et les troubadours.
- Que veux-tu dire ?
- Des princesses comme celle-ci sont chose courante dans le royaume. Certaines vont jusqu'à s'enfermer elles-mêmes pour appeler à la chevalerie un noble qu'elles convoitent.
- C'est idiot, commenta Roland.
- Et d'autres, continua le dragon, comme celle que tu as rencontrée, ont passé tout le temps de leur captivité à imaginer le moment de leur délivrance, si bien que lorsqu'il arrive, s'il n'est pas conforme à ce qu'elles attendent, elles le refusent.
- Mais alors elles vont peut-être rester encore des années ainsi ?!
- Oui, c'est ainsi, admit Ormond.
- Mais... qu'est-ce que je peux faire alors pour accomplir une tâche chevaleresque ?
- Il te faut trouver par toi-même ce qui est juste, sans te reporter à un quelconque code qui n'est pas le tien. Et puis, les princesses ne se trouvent pas toutes dans les donjons, et n'ont pas toutes de grandes robes colorées et des longs cheveux blonds.
- Comment ça ?
Roland remarqua alors que la tête d'Ormond s'était penchée et avait suivit des yeux quelque chose au milieu de la forêt qu'ils traversaient à nouveau.
- Qu'y a-t-il ? s'inquiéta-t-il.
- Des hommes à cheval, et une personne en tête.
Le dragon se tut, puis, après un temps, ajouta :
- C'était une jeune gueuse. Vu ses vêtements, je dirais poursuivie pour chapardage répété par les soldats de la ville vers laquelle nous allons.
- Oh... Et que vont-ils lui faire ?
- La pendre, très vraisemblablement.
Roland se redressa ni brusquement sur le dos du dragon que celui-ci craignit qu'il ne tombât. L'enfant sortit Durandal de son fourreau et la porta au ciel.
- Mais c'est abominable ! Nous ne pouvons laisser se faire une telle chose dans nos terres ! En avant, Ormond ! Allons rappeler à ces couards qui s'y prennent à dix contre un ce qu'est la justice !
N'étant pas dupe des sentiments de Roland quant à l'idée de la mort de cette jeune personne, le dragon fit demi-tour dans les airs et partit à la poursuite des hommes en armes ; monté du chevalier Roland qui tenait à la main son épée Durandal.
 
Ainsi Roland se mit à défendre les injustices selon les valeurs qui le portaient, toujours conseillé par son ami Ormond le dragon, et par delà même les frontières du royaume dont il était originaire. Il se fit d'abord connaître de toutes les villes comme "l'enfant dément qui chevauche un dragon", puis peu à peu par ceux qui entendaient narrer ses faits et gestes comme "le preux qui rappelle aux hommes ce qu'ils sont en ce monde". Quant aux princesses, il s'en désintéressa lorsqu'il grandit, y préférant le sourire de celle qui fuyait les hommes armés en ce jour de désillusion. Il se fit par la suite tailler une couronne en bois d'olivier pour porter avec Durandal et devint, en épousant sa gueuse, le roi de rien, mais le roi quand même.
 
 

Samedi 16 mai 2009 à 12:08

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