Dans un monde semblable au nôtre, un homme regardait le ciel, sans cesse, du matin jusqu'au soir. Parfois même la nuit. Il ne faisait rien d'autre. Comme si détacher ses yeux de ce bleu une seule seconde pouvait lui ôter la vie. Il y avait toujours une certaine tristesse dans son regard et tous ceux qui s'étaient penchés sur son histoire savaient pourquoi. Chacun essayait de le consoler à sa manière, même Jean qui, pourtant dans le même livre que son frère, s'en était plus ou moins remis.

 

 

 "En parlant du livre, j'ai voulu faire une métaphore par rapport à la phrase disant " tous ceux qui ont connu son histoire ". Histoire-livre... pas très concluant finalement !
Jean et Léo ont perdu leur mère et Léo, en regardant le ciel, est persuadé qu'elle est là-bas. Alors un jour il eut l'idée de faire une sorte d'échelle, avec tout ce qui lui tombait sur la main, pour la récupérer... le problème c'est qu'il ne la retrouvera qu'en se tuant... voilà."

 


 
-                    Léo, tu dois l'accepter...
 
Mais, comme à son habitude, il restait silencieux et se contentait de scruter les cieux, comme s'il cherchait quelque chose...
 
Jean s'inquiétait de plus en plus pour lui car il le voyait se renfermer de plus en plus. Il ne mangeait presque plus rien et ça faisait longtemps maintenant qu'il n'avait pas entendu le son de sa voix. Il eut beau le remuer, le stimuler, en vain. Désespéré, il ne pouvait que le regarder, impuissant.
 
Puis, un jour, le visage de Léo s'éclaira. Comme face à une révélation, il eut un énorme sourire.
 
-                    J'ai la solution ! s'exclama-t-il en sautillant dans toutes les pièces. J'ai la solution !
 
Son frère, qui n'était pas loin de lui, le regarda alors de ses grands yeux. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas vu son frangin dans cet état. Il le vit prendre une chaise et le balancer dans le jardin. Le meuble fut juste après accompagné d'une table.
 
-                    Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda-t-il à son grand étonnement.
 
Dans son excitation il ne l'entendit pas. Il continua à prendre tout ce qu'il lui tombait sous la main pour le jeter dehors. Jean, dépassé par la situation, et content que son frère ne soit plus triste, le laissa faire. Très vite, un petit tas se forma à l'extérieur de la maison. Il s'agrandit et pris une assez bonne hauteur lorsque la lune se leva.
 
Il se faisait de plus en plus tard et il demanda à son frère de rentrer. Ce dernier refusa et il continua à prendre tout ce qu'il y avait chez eux pour le mettre dehors. Jean haussa alors les épaules et partit se coucher.
 
Le lendemain, il remarqua que sa chambre était presque vide et qu'il ne lui restait que son lit.
 
-                    Qu'est-ce ? …
 
Il alla dehors et regarda, ébahi, tous les objets entassés. Le petit tas était devenu une colline ! Il aperçut Jean au dessus d'elle. Il lui cria:
 
-                    Tu n'as pas dormi de la nuit ?!
-                    Non !
 
Il descendit rapidement et voulu se précipiter à l'intérieur de leur demeure. Son frère l'arrêta en agrippant sa manche.
 
-                    Arrête ! On n'a presque plus rien dans la maison ! Je t'ai laissé faire parce que...
-                    Pas grave ! dit-il en lui coupant la parole. Je vais à la décharge.
Il ouvrit la porte de l'enclos et courut dehors.
 
Et les jours passèrent. La joie de Jean, devant la gaieté de Léo, s'était transformée en inquiétude. Il regardait d'un air désabusé la colline gagnait de plus en plus en taille. Les voisins étaient de plus en plus nombreux à se plaindre, craignant que cette infecte décharge s'écroule chez eux. Il leur disait de prendre leur mal en patience, que ça allait se finir bientôt... mais le temps s'écoula et la situation ne changea guère. La création de Léo était devenue grande. Très grande. Comment elle pouvait encore tenir ? Elle touchait presque le ciel maintenant... le ciel ! Il eut un déclic. Croyait-il vraiment pouvoir... ? Non, c'était complètement absurde. Il retourna à la maison et en ressortit quelques minutes plus tard. Son frère était en train de redescendre.
 
-                    Léo... lui dit-il alors d'une voix douce, attendri par son geste. C'est vraiment beau ce que tu as voulu faire mais tu sais autant bien que moi, même si je le veux aussi, que c'est impossible. Allez, rentre, repose toi un peu. Tu as de ces cernes...
-                    Mais ça va marcher ! lui dit-il avec une flamme dans les yeux. Ça va marcher ! Fais-moi confiance...
 
Il n'eut pas l'occasion de rajouter quoi que ce soit car, soudain, il entendit des sirènes à l'horizon. Son visage se fit brusquement rouge. Il hurla:
 
-                    Tu as appelé la police ?!
-                    Oui... je savais que tu n'allais pas m'écou...
-                    Comment as-tu pu ??! Toi, mon frère ! Me faire ça !
 
On entendait maintenant une voiture se rapprocher.
 
-                    Non ! Ils ne m'auront pas ! Toi non plus !
 
Il recula doucement puis, en se retournant, il accéléra ses pas et se jeta contre la montagne. Il commença à escalader. Son frère lui courut après et voulu l'attraper par la cheville. Trop tard ! Il était hors de porté.
 
-                    Tu ne me suivras pas ! Tu as trop le vertige pour ça !
 
Il reprit sa course. Monter. Toujours monter. Le reste n'avait aucune importance. Et même si les policiers avaient assez de courage pour le poursuivre, il avait tellement de fois escalader qu'il se savait plus rapide que n'importe qui. Malgré la fatigue qui le rongeait. Il continua sa montée sans jeter une seule fois un coup d'œil derrière lui. Avancer. Toujours Avancer. Il le devait. Il n'en pouvait plus. Il voulait la revoir. Alors il continua. Malgré la souffrance de ses membres. Malgré son cœur qui battait à cent à l'heure. Avait-il grimper depuis cinq minutes ou bien trois heures ? Il avait perdu la notion du temps. Qu'importe. Il ne voyait que ses yeux noisettes au dessus d'un nez fin et délicat. Sans oublier de son sourire qui, à chaque fois, le remplissait d'un sentiment qui le trouvait le plus beau au monde. Il continua. Il leva la tête et remarqua qu'il n'était plus très loin. Reconforté par cette nouvelle, sa force se décupla.
 
Trois mètres...
 
Il aperçut ses pieds.
 
Deux mètres...
 
Il aperçut son corps.
Un mètre...
 
Il aperçut son visage.
 
Il arriva enfin en haut. Il regarda autour de lui. Pas un signe. Perplexe, il se leva après un effort extrême. Il ne vit aucune main se tendre vers lui. Le désespoir le gagna soudain. Il plissa des yeux tout en scrutant avec la plus grande attention du monde l'horizon. Toujours rien. Les larmes lui montèrent aux yeux. Il ne pouvait y croire. Était-ce possible qu’elle ne l’ait pas attendu ?
 
-                    Maman ! Hurla t-il au ciel. Maman ! Mamaaaaaaan !
 
Mais il eut pour seul réponse le bruit du vent.
 
Peut-être qu'il n'avait pas assez haut. Peut-être que son frère avait raison. Quoi qu'il en soit il s'en fichait. C'était trop tard. Il ne pouvait plus revenir en arrière. Il leva les bras au ciel et murmura:
 
-                    Adieu...
 
Il se laissa tomber en avant puis ce fut la chute.
 
 
Blanc. C'était blanc autour de lui. Curieusement il n'avait pas mal. Il se sentait même... plutôt bien. Une odeur s'engouffra en lui. Il la reconnue aussitôt. Il leva doucement les yeux. Un regard marron rencontra le sien. Une main lui caressait les cheveux. Il était contre elle.
 
-                    Maman...

 

 


Un doigt sur ses lèvres, elle s'approcha de lui et embrassa son front.

 

*

Axel

Vendredi 15 mai 2009 à 22:03

Par Viracocha le Samedi 16 mai 2009 à 14:27
C'était court mais j'ai bien aimé. Même si j'ai des doutes sur ma totale compréhension... :s
Ce serait limpide s'il n'y avait pas ce truc au début qui parle de "même livre"... Mmmmh... En tout cas, c'est triste :(
Par Viracocha le Mardi 19 mai 2009 à 20:44
Merci pour l'explication. Oui, le problème du livre c'est que c'était tellement inscrit dans le récit que je l'ai pas détaché du contexte, mea culpa. Pour le reste, j'avais bien compris.
Très beau, en tout cas.
 

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